L’exposition «About now #1» a pris vie à travers le monde, dans les trois emplacements de la galerie : Abidjan, Dakar et Paris. Au total, quinze artistes de la scène artistique afro-descendante émergente ont été rassemblés. En France, Ymane Chabi-Gara, Fanny Irina, Ange-Frédéric Koffi, Elladj Lincy Deloumeaux et Katlego Tlabela, se sont inspirés de leur héritage africain et ont fait dialoguer leurs œuvres tout en cohérence.
Texte de Adèle BARI
« About now #1 est une exposition qui vient finaliser en quelque sorte un processus de prospection que l’équipe mène tout au long de l’année auprès de la scène émergente», explique Océane Kinhouandé, assistante de galerie. À l’entrée, le peintre de 26 ans Elladj Lincy Deloumeaux, né en Guadeloupe, ouvre le bal avec son huile sur toile L’envol de Sankofa. Il y représente son jeune frère, reflétant son ombre sur un mur bétonné sur ciel ouvert… Ses bras sont tendus vers le haut, tel l’oiseau de Sankofa – symbole de la sagesse, de la connaissance et de la mémoire des peuples – prêt à prendre son envol. «Elladj traite le plus souvent des thèmes autour des souvenirs, de la mémoire, avec, toujours, des symboles caribéens ou africains», témoigne Océane Kinhouandé. Plus loin, sa peinture Une rupture d’un rêve, révèle un jeune garçon de dos, recouvert jusqu’aux mollets d’un bain d’eau aux reflets ocres, presque sanglants.
Elladj Lincy Deloumeaux – L’envol de Sankofa, 2021, huile sur toile, 195 x 130 cm
Le photographe ivoirien Ange-Frédéric Koffi, lui, nous propose des photographies argentiques, capturées le plus souvent le long des routes d’Afrique subsaharienne. Il traite de la question du départ et de traces laissées, comme avec cette image Sans Titre, où des débris de fruits exotiques, une bouteille de bière Ivoire et deux verres recouvrent des planches en bois, laissant supposer qu’un couple vient tout juste de reprendre la route. Lila, de la série Sinner Man (2016), est, elle, affichée sur un papier peint lui-même réalisée par l’artiste, à partir d’un traditionnel imprimé mahorais. «Koffi effectue également un travail d’installation, en ajoutant des objets d’intérieur, comme une chaise ou un tabouret, dans un espace», précise l’assistante de galerie.
Ange-Frédéric Koffi – Sans Titre, tirage pigmentaire sur papier Museum Etching 350g, 13 x 19 cm
Ange-Frédéric Koffi – Lila, 2016, tirage pigmentaire sur papier Museum Etching 350g, 30 x 20 cm
Deux toiles du peintre sud-africain de 28 ans, Katlego Tlabela, sont tirées de sa récente série Pitori to Paris. Il explore les intérieurs luxueux des appartements parisiens et y transpose des références liées à l’Afrique du Sud. La première est recouverte par un collage du tableau de l’artiste sud-africain Peter Clarke. Des baskets de la boutique Maison Château rouge, qui symbolise le mélange des cultures noires, ont également été déposées sur le parquet, avec des mallettes Louis Vuitton. Sur la deuxième toile, Océane Kinhouandé explique que «l’artiste a collé une photographie que l’on retrouve dans beaucoup de foyers sud-africains.» Elle poursuit : «Nous ne connaissons pas vraiment l’origine, mais on sait qu’il s’agit d’une photographie apparue vers la fin de l’Apartheid et symbolise une certaine fierté noire.»
En vis-à-vis, des dessins en pastels à l’huile forment des sortes de personnages hybrides, mi-humain, mi-animal. Ils ont été réalisés par l’étudiante en seconde année des Beaux-Arts à Paris, Fanny Irina. «D’œuvre en œuvre, nous avons l’impression de suivre une histoire, avec des personnages qui, souvent, se touchent. On y voit donc de l’affection, ou à l’inverse, parfois de l’enfermement, confie Océane Kinhouandé, avant de poursuivre, ses traits sont délicats et peuvent s’apparenter à ceux d’un enfant.» Un tableau en acrylique sur toile de la même artiste représente, lui, deux corps : un blanc et un noir, dont le premier est enlacé par un de ces protagonnistes hybrides, et le second, nous regarde, tenant une sorte d’oeuf blanc à la main.
Fanny Irina – Unité jaune et Bleu, 2020, pastels à l’huile sur papier, 40 x 30 cm
Fanny Irina – Sans Titre, 2021, acrylique sur toile, 60 x 85 cm
Toujours dans des tons pastels, la peintre Ymane Chabi-Gara, née en 1986 à Paris, évoque l’isolement, et même la solitude, à travers son œuvre Hikikomori. «En général, son processus artistique est de sélectionner une photo sur internet, puis, elle va la reproduire en remplaçant le personnage principal par elle-même.» Elle s’est donc, ici, représentée en Hikikomori, – ces personnes japonaises recluses chez elles -, allongée sur le sol, recouverte d’ouvrages et de documents, avec, tout autour, un tas d’objets comme des ustensiles de cuisine. Son visage a également été peint en blanc, comme une représentation de la mort. Océane Kinhouandé le certifie : «Les couleurs pastelles, qui sont très joviales, contrastent complètement avec une certaine mort et solitude qui se dégagent du tableau.»
Ymane Chabi – Gara, Hikikomori 5, 2020, acrylique sur panneau de bois, 122 x 244
Vous avez jusqu’au 28 août pour ne pas manquer cette exposition poignante, située au 41 rue Mazarine, 75006 Paris.
Toutes les informations sont disponibles sur l’Application Art is Heart.