«Objets de rencontres» – Galerie 31 Project

Après une première collaboration réussie, Charles-Wesley Hourdé, marchand d’art ancien africain, a proposé à l’artiste Maya-Inès Touam d’exposer dans sa galerie 31 Project. Avec la co-fondatrice de la galerie Clémence Houdart, ils ont inauguré l’exposition “Objets de Rencontres”, dans laquelle les photographies de natures mortes de l’artiste prises à la Fondation H sont accompagnées des objets qu’elle avait choisis dans la collection de Charles-Wesley Hourdé.

Texte de Eva MARTIN

« Les objets de rencontre » désignent les objets trouvés au fil du parcours de l’artiste, mais aussi le chemin de ces objets en tant que tels, faisant référence à toutes les mains par lesquelles ils ont transité. « Chaque élément a une grande signification plus personnelle », souligne Clémence Houdart, co-fondatrice de la Galerie 31 Project. Née en France, petite fille d’immigrée algérienne, la culture nord-africaine fait partie d’un passé familial tout en étant le présent de son héritage. Les cultures et les temporalités se mélangent dans son art, et son histoire. On retrouve ainsi des objets africains anciens ou contemporains, disposés et photographiés dans une esthétique se rapprochant de la peinture classique flamande du XVIIe siècle.

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Maya-Inès Touam – Esquisse 4, série REPLICA, Traces d’un souvenir

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Maya-Inès Touam – Esquisse 2, série REPLICA, Provision d’un envol

C’est d’abord à travers une série de 4 photographies que Maya-Inès Touam fait parler les objets pour nous raconter les différentes étapes se dressant sur le chemin de l’exil.

Désirs projetés. Sur un tréteau de bois, des objets sont disposés dans un mouvement et un sentiment de profusion. Le tissu rouge aux motifs de feuilles et de fleurs semble flotter, il est aspiré comme notre esprit pourrait être attiré vers un ailleurs. Un contenant en forme de citron en plastique est posé dans une ancienne coupe. Sa couleur jaune claire tranche avec les tons plus sombres du reste de la photo. Il attire notre regard, l’envie nous prendrait presque de boire son contenu. La première photographie de la série exprime ainsi la projection avant le départ, la pulsion du désir qui appelle à se mouvoir, et les images fantasmées de la destination occupant nos pensées.

Provision d’un envol. Arrive le temps de rassembler ses affaires, ses bijoux et autres précieux objets. Le départ se concrétise. Au centre de la photographie, trois masques passeports. «Les masques passeports étaient portés au cou comme objets protecteurs lorsque quelqu’un partait du village, protégeant l’exilé et sa famille restée dans son village, nous raconte Charles-Wesley Hourdé, avant de poursuivre, ces masques africains sont aussi des objets d’identification, propre au lieu dont l’on vient ». Avant l’envol, Maya-Inès Touam met en avant le besoin de protection face aux imprévus et l’attachement à son identité à ne pas perdre dans les – souvent longs – trajets.

Cocotte au foyer. Il faut désormais s’approprier et apprivoiser le nouveau sol, s’installer sur les nouvelles terres. Le tissu qui était auparavant en suspension est désormais posé autour d’une cocotte brillant le neuf, l’étiquette encore collée. Reposant sur deux passeports, Maya-Ines Touam montre la construction d’une nouvelle identité. L’idée d’un « nouveau chez-soi » a été personnalisée par l’artiste. Une photo d’elle jeune est accrochée sur le mur droit de la photographie et on peut apercevoir son propre reflet dans la marmite de cuivre, d’elle maintenant, enceinte et accompagnée de son conjoint. Ces traces autobiographiques dévoilent les liens forts entretenus entre son art et son histoire familiale.

Traces d’un souvenir. Désormais installé dans une nouvelle culture, la nostalgie nous saisit. Le souvenir lointain de nos racines revient occuper notre esprit. L’exilé pense à tout ce qu’il a laissé derrière lui, à tout ce qui est resté au pays. Coupée de ses racines, la tulipe rouge se fane. Les sandales de bois prêtées par Charles Wesley Hourdé sont marquées par des empreintes de pieds, représentant les marques indélébiles du passé.

Les bagages qui s’alourdissent…

Dans le Grand retable Les Délices du temps exposé dans la galerie 31 Project, les objets viennent d’époques variées, ils sont précieux ou de culture populaire africaine. On retrouve ainsi au centre du triptyque, à la fois une figure de reliquaire Kota, déesse gardienne de la lignée et des ancêtres, mais aussi un Oeuf Vuitton. « Cet œuf rappelle à Maya Ines Touam les femmes du village qui siglent leurs vêtements elles-mêmes » nous informe Charles-Wesley Hourdé. Fermé, le Grand retable représenterait le bagage culturel de départ. Ouvert, le retable s’agrandit de toutes les nouvelles expériences qui l’ont enrichi. Fermé, les fleurs du bouquet se meurent. Ouvert, celles-ci connaissent une nouvelle vie.
Tous ces différents objets sont partis ou ont transité par l’Afrique pour aller en Europe ou ailleurs, « ils suivent les hommes ». Bien que non dépourvue de sentiments nostalgiques, l’artiste française d’origine algérienne nous livre une vision plutôt positive de l’apport culturel de l’expérience migratoire. En puisant dans son passé familial et son histoire personnelle, l’artiste réussit à nous faire le récit intemporel du déracinement précédant la reconstruction de soi.

Maya-Inès Touam – Retable, série REPLICA, Délices du temps

Vous l’avez compris, « Objets de rencontres » à la galerie 31 Project est l’exposition à ne pas rater. Pour cela, il faut vous rendre au 31 rue de Seine dans le 6eme arrondissement de Paris avant le 24 juillet. Toutes les infos sur l’Application Art is Heart.

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