L’exposition «Buffon & Carson», regroupant le travail du dessinateur français Jochen Gerner, se poursuit avec l’invitation de trois autres artistes : Hélène Bertin, Stéphanie Saadé et Liv Schulman. L’univers des oiseaux se mêle désormais à l’orientation poétique des œuvres qui se sont ajoutées à l’espace… On reprend depuis le début.
Texte de Adèle BARI
En juin dernier, une centaine d’oiseaux se sont déposés le long des murs de la galerie, qui s’est transformée en une véritable volière. Au total, deux-cents volatiles ont été réalisés au feutre sur des petits cahiers d’écoliers, entre 2019 et 2020, par l’auteur de bandes dessinées français, Jochen Gerner. «Cette série d’oiseaux était un moment de grande détente et d’amusement pour Jochen, nous explique Manon Haize, responsable de galerie, avant de poursuivre, ce qui l’a amusé a été de jouer avec les couleurs, la superposition des traits et des trames.» L’artiste s’est également amusé entre le réel et le fictif, en s’inspirant à la fois des oiseaux aperçus dans le jardin de son atelier à Nancy, et de son propre imaginaire…
Tous sont représentés de profil. Certains se regardent, d’autres se tournent le dos. Leurs plumages sont bleu, vert, rouge, jaune, marron, violet… Quadrillés, à rayures ou arrondies. Ces différentes espèces, existantes ou inventées, confient une harmonie de couleurs et de formes, le plus souvent accessoirisées d’un verre de terre ou d’une brindille dans le bec. Ces dessins ont également été inspirés d’illustrateurs du XVIIIème siècle, notamment du graveur français François-Nicolas Martinet, connu pour ses ouvrages d’histoire naturelle d’ornithologie, et ses gravures d’oiseaux – eux aussi réalisés de profil. Mais l’artiste rend aussi hommage à la biologiste américaine Rachel Carson, décédée en 1964. Celle-ci avait publié son ouvrage Printemps silencieux, en 1964, qui traite des effets négatifs des pesticides sur l’environnement, et en particulier sur les oiseaux.
Jochen Gerner
05 – Chardonneret élégant, 2020 – série Oiseaux, feutre sur support imprimé / felt tip pen on printed support
17,5 x 12 cm / 32 x 28,5 cm (encadré / framed)
Crédit photographie / Photography credit © Aurélien Mole
Les portraits de volatiles de Jochen sont accompagnés d’une autre de ses séries, intitulée «Buffon illustré». Elle s’inspire d’anciens livres illustrant des animaux pour enfants des années 1920, en référence aux ouvrages du naturaliste et écrivain Georges-Louis Leclerc de Buffon. Le dessinateur a recouvert, ici, les animaux d’encre de Chine, mettant en exergue la forme et les contours d’une autruche, d’une girafe, d’une oie ou d’une chèvre. Derrière eux, le paysage est nettement plus visible par ses couleurs contrastant avec le noir. «Il aime beaucoup travailler sur des supports déjà imprimés et intervenir sur des images existantes, pour en révéler encore autre chose», témoigne Manon Haize. Cette technique de recouvrement, il l’avait notamment commencé en recouvrant partiellement à l’encre de chine l’album de Tintin en Amérique, avant de se tourner vers des cartes postales, des posters de films ou des cartes géographiques.
Jochen Gerner
Le Tigre, 2020 – série Buffon Illustré, encre de chine sur support imprimé / Chinese ink on printed support
31,1 x 23,5 cm / 43 x 36 cm (encadré / framed)
Crédit photographie / Photography credit © Aurélien Mole
D’autres artistes s’invitent…
Au centre des oiseaux, l’installation en céramique d’Hélène Bertin habille désormais l’espace. Celle-ci a immergé cette matière, pendant trois mois, dans les fontaines pétrifiantes de Saint Nectaire, dont l’eau, très calcaire, a facilité le dépôt de sortes de cristaux sur le mobile. Cette technique a également gonflé les formes de la terre et modifié sa texture, permettant aux différentes figures de se toucher. Celles-ci sont d’ailleurs reliées par des crins de chevaux à une barrette en bois.
Plus loin, d’autres œuvres de cette même artiste sont affichées, dont l’une s’intitule «Double altitude». Deux traits au crayon à papier recouvrent une feuille blanche : l’un correspond à la taille de l’artiste, et l’autre, à sa taille sur la pointe des pieds. Juste en face, la série «Golden memories» regroupe des photographies de son enfance, qu’elle a recouvertes de feuilles d’or, comme pour cristalliser un moment qu’elle seule ne peut connaître… «Stéphanie Saadé réalise un très beau travail autour de la distance, que ce soit celle géographique, dans le temps ou la nostalgie du passé», confie Manon Haize. Deux dessins aux crayons de couleur de l’artiste argentine Liv Schulman, habituellement connue pour ses vidéos, cloture l’explosition dans une ambiance plus complexe. Un chien en pleurs tient un chat dans l’une de ses mains, et dans l’autre, projette un arc-en-ciel…
Vue d’exposition « Buffon & Carson (Suite) » – Juillet 2021
Crédit photographie / Photography credit © Aurélien Mole
L’artiste libanaise Stéphanie Saadé, poursuit cette direction poétique, avec sa série «Travel Diary». Elle s’est emparée d’un document de voyage usagé pour recouvrir les plis, que le papier a subi pendant le déplacement, par de la feuille d’or.
Plus loin, d’autres œuvres de cette même artiste sont affichées, dont l’une s’intitule «Double altitude». Deux traits au crayon à papier recouvrent une feuille blanche : l’un correspond à la taille de l’artiste, et l’autre, à sa taille sur la pointe des pieds. Juste en face, la série «Golden memories» regroupe des photographies de son enfance, qu’elle a recouvertes de feuilles d’or, comme pour cristalliser un moment qu’elle seule ne peut connaître… «Stéphanie Saadé réalise un très beau travail autour de la distance, que ce soit celle géographique, dans le temps ou la nostalgie du passé», confie Manon Haize.
Stéphanie Saadé
Double Altitude, 2019 – ed. 3/3 + 1 AP
crayon sur papier / pencil on paper
40 x 27 cm / 50 x 35 cm (encadré/framed)
Crédit photographie / Photography credit © Aurélien Mole
Deux dessins aux crayons de couleur de l’artiste argentine Liv Schulman, habituellement connue pour ses vidéos, cloture l’explosition dans une ambiance plus complexe. Un chien en pleurs tient un chat dans l’une de ses mains, et dans l’autre, projette un arc-en-ciel…
Liv Schulman
Sanguijuela, perro y arcoiris con mesa fantaseada, 2021
Crayons de couleur sur papier / colored pencils on paper
42 x 57,5 cm
Crédit photographie / Photography credit © Aurélien Mole
L’exposition est à découvrir jusqu’au 21 août, à la Galerie Anne Barrault au 51 rue des Archives, dans le 3ème arrondissement, à Paris.
La série des oiseaux de Jochen Gerner fait également l’objet d’un ouvrage, publié aux éditions B42, intitulé Oiseaux, écrit par le philosophe Emanuele Coccia.