«Figures of power» – Galerie Afikaris

Dans deux langages picturaux très différents, l’artiste sénégalais Ousmane Niang et le peintre nigérian John Madu, ont exploré les aspects variés des relations de pouvoir dans la galerie Afikaris, au cœur du quartier du Marais.

 

 

Texte de Eva MARTIN

« Jeune, Ousmane Niang allait au parc national sénégalais observer longuement les animaux. Il les voyait flirter, et il s’amusait des ressemblances avec les comportements humains», nous raconte Michaela Hadji-Minaglou, gérante de la galerie Afikaris. Le peintre, originaire de Tambacounda, se sert maintenant d’animaux anthropomorphiques pour illustrer des relations de pouvoir multiples. Les bêtes les plus humanisées sont les dominantes, et celles à l’état sauvage sont les dominées. Chaque animal a sa propre signification : « L’oiseau est l’animal le plus libre pour Ousmane Niang, il vole, nage et marche ». Quant aux plumes virevoltantes et arrachées, en suspension dans ses tableaux, elles symbolisent tous les vices et péchés de l’Homme.

Ousmane Niang – Baignoire – 140x140cm – 2021 – Courtesy: Afikaris

Dans toutes ses œuvres, il y a un gagnant et un perdant. Il n’est donc pas étonnant que Ousmane Niang se soit intéressé aux jeux de carte, dans lesquels il n’y a, par définition, que deux possibilités : la victoire ou la défaite. Seulement, dans son jeu, les personnages se sont faufilés hors des cartes. Elles sont seulement suggérées par une forme rectangulaire en arrière plan, et par la position des animaux peints. « Voici le cavalier ! », nous déclare souriante la galeriste, en montrant de la main un oiseau aux gants de boxe, à cheval sur un kangourou. Un duo surprenant. Le tableau dégage une force révolutionnaire, le volatile en meneur, les pâtes équipées et prêtes à cogner.

Des points sur les toiles, et des points dans les points. Des points partout, mais surtout, des points doubles. Ils sont rouges, blancs, bleu clair ou plus sombres. Présents en arrière plan comme sur la peau des bêtes. « Par ces duos de points, Ousmane Niang veut défendre l’idée que dans chaque problème social – le plus grand point -, il y a sa solution – le point intérieur ». Il s’agit d’une incitation au mouvement, un rejet de la passivité.

Ousmane Niang – Jeu de cartes – 170 x 150 cm – 2021, Courtesy: Afikaris

Masculinité et féminité bousculés

Dans des couleurs pops et des références aux classiques, John Madu, lui, s’est intéressé à la notion de pouvoir par la déconstruction des stéréotypes de genre. Maness, c’est une amie de John Madu. Il l’a transformée en homme grâce à ses agiles coups de pinceau. Une pose sensuelle, et une expression sensible. Il se moque des images du genre en montrant à quel point elles tiennent à peu, à des logiques machistes et des représentations de virilité maintenant dépassées. Faisant face à Maness, une femme au regard provoquant et assuré nous dévisage. Les mains dans les poches, le bassin en avant, la bière Corona sur le coté et l’attitude insolante. « Make Love » en lettres blanches et flamboyantes sur tee-shirt rose électrique. En redonnant force à la féminité, et sensibilité à la masculinité, John Madu se place dans le rejet du «devoir être» avancé par Chiwande Ngozie Adiche.

John Madu – Make Love on the beach, 2021, 121 x 121 cm – Courtesy: Afikaris

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John Madu – Sunflowers and man, 2021 – 121 x 121 cm – Courtesy: Afikaris

« Mon travail est universel, et je pense que l’inspiration l’est aussi », défend le peintre nigérian. Pour lui, dans un monde globalisé, l’inspiration dépasse toutes frontières. Le monde est devenu trop petit pour restreindre un art à des influences locales. Ainsi, bien qu’il s’inspire des scènes de vie de son quotidien au Niger, il puise aussi dans les grands maîtres de l’Histoire de l’Art. « Il réinterprète des classiques, parce qu’on peut tous les reconnaître, il parle avec des codes déjà connus », nous explique Michaela. Entre les tournesols de Van Gogh et les figures de Keith Haring peintes sur le short d’un boxer, on trouve une nouvelle version du Baiser de Klimt. Au delà des habits dorés redécoupés, le peintre révolutionne le chef d’oeuvre du peintre autrichien en échangeant les rôles : c’est désormais la femme qui se penche vers l’homme pour l’embrasser, et non l’inverse. Elle est dépourvue de sa passivité, et transformée en figure de pouvoir. « En échangeant ou en recadrant les rôles de genre, je joue avec leur pouvoir symbolique, et le symbolisme du pouvoir qu’ils exercent. »

Pendant la difficile période du confinement, l’enfermement forcé a fortement atteint l’état psychique de John Madu, nous confie la galeriste. Pour se soigner, il a décidé de reproduire La Nuit Étoilée et un champ des fameux tournesols de Van Gogh. En reproduisant les mouvements de ce grand maître, l’artiste a transformé ses gestes en art thérapeutique, faisant de l’art une véritable source de puissance.

Finalement, les deux artistes de la Galerie Afikaris ont développé un art éducatif. Ils donnent le flambeau aux visiteurs en leur rappelant leur pouvoir d’agir. Ils utilisent la contemplation de leurs œuvres pour propager un appel à l’action.

Vous avez jusqu’au 14 août pour ne pas manquer cette exposition poignante, située au 38 Rue Quincampoix.

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